Dans la rue Beaubrun, on ne peut pas rater sa façade rouge, style immédiat après-guerres-coloniales, avec son enseigne encyclopédique aux lettres jaunes « BOULANGERIE – PATISSERIE – CONFISERIE ». Bonne fée calorique du quartier, ce magasin fournissait le pain du travailleur, le gâteau du dimanche et les bonbons de la récréation. Mais, depuis quelques jours, les vitrines sont occultées par des nappes de papier au-dessus desquelles on devine dans une semi-obscurité une débâcle de présentoirs vides, un désastre d’emballages défoncés et une débandade de papiers éparpillés. Comme dans un jeu d’erreurs, une pelle incongrue et une échelle abandonnée s’étalent au milieu de ce chaos. Sur la porte close, un carton renseigne le chaland dépité : « SUITE À UN EFFONDREMENT DU SOL, LA BOULANGERIE SERA FERMÉE JUSQU’À NOUVEL ORDRE. MERCI DE VOTRE COMPRÉHENSION ». Ainsi, une fois de plus, la mine vorace s’est rappelée aux hommes. Cependant, elle n’a pas prélevé, comme autrefois, son tribut humain, mais, Moloch aujourd’hui apprivoisé et délicat, s’est contentée d’engloutir la plus gourmande des boutiques.
Mardi 11 juin 2019 - François MAGUIN
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