Ce n’est pas une complaisance morbide ou un désir de philosopher qui fait du cimetière de la Vivaraize le but de mes rares sorties en cette période de confinement. En effet, les restrictions aux « déplacements brefs liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie » (Mon Dieu, que de mots use l’administration pour désigner une simple promenade !) ont diminué mon espace et m’ont privé des cerisiers de l’université. On monte, donc, par escaliers et impasses au milieu des jardins. La rumeur de la ville s’est tue. On n’entend plus que les chants des oiseaux et, là-bas, plus loin des cris d’enfants. Des fenêtres ouvertes, parfois, des voix étouffées ou des musiques fatiguées nous accompagnent. Un chat couché sur le rebord d’une fenêtre miaule plaintivement et quête une caresse à notre passage. Tout semble tellement normal et pourtant si différent. On se sent très seul dans la rue déserte au point que l’on apprécie de trouver dans le caniveau quelques traces de notre humanité souffrante : une paire de gants et un masque, ultimes remparts à la maladie. Et on se prend à rêver qu’après cette catastrophe, on s’emploiera à fabriquer des protections contre d’autres maux dont nous souffrons depuis bien plus longtemps : la précarité, l’indifférence, l’exploitation et l’accaparement du Monde.
Vendredi 27 mars 2020 - François MAGUIN
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